L’ascension du Muztagh Ata (7546 m)

Août 2001

==>Accueil


            Atteindre un sommet de 7500m ne se fait pas par hasard, c’est le point d’orgue d’un ensemble patiemment élaboré. La meilleure façon de réaliser cet objectif est d’utiliser des skis. Cependant on peut, bien sûr, effectuer l’ascension en raquettes. Ceci dit, ce sommet est tout à fait envisageable pour un skieur de montagne qui a bourlingué à travers les Alpes. Il aura acquis une certaine autonomie qui est un des facteurs de réussite car dans ce type d’entreprise il faut avant tout être capable de compter sur soi-même. A partir du moment où la décision est prise de réaliser ce sommet, il convient d’arrêter une stratégie, puis, sur place, selon les conditions, adapter la tactique.

Le Muztagh Ata, vu de Subax

           La stratégie

                        Un certain nombre d’éléments semblent favorables de ce point de vue.

                        D’abord il semble que la période d’acclimatation doive se faire ailleurs qu’au camp de base, de façon à ce qu’elle soit acquise en y arrivant. Cette façon de faire permet d’éviter deux écueils : L’inaction plus ou moins forcée et déprimante au camp de base pendant plusieurs jours et la tentation de monter trop haut trop vite. Pour notre part nous avons assuré une très bonne acclimatation par deux treks au Pakistan pendant deux semaines (Camp de base du Nanga Parbat et glacier de Batura avec un sommet à 5800 m).

                        Ensuite il faut définir la disposition des camps d’altitude. Le camp de base étant à 4400 m, il est préconisé 3 camps : I à 5300 m, II à 6000 m, III à 6800 m. Un ami avait réalisé cette ascension 2 ans avant et n’avait dû sa réussite qu’en supprimant un camp. Fort de son expérience nous avions décidé de ne prévoir que deux camps. Il est en effet évident que l’établissement d’un camp consomme beaucoup de temps et d’energie.

 

            La tactique

                        Elle est dictée principalement par les conditions méteorologiques. Il est en effet absolument exclu d’être pris par le mauvais temps près du sommet. Il faut donc se positionner, en plus basse altitude, de façon favorable par rapport à un créneau de beau temps.

             Notre ascension

                        J0 : Montée au camp de base depuis Subax, établissement du camp de base.

                        J1 : Montée au camp I, sentier raide mais assez bien tracé, établissement sur un replat glaciaire sous les séracs (non dangereux), un peu plus haut (5500 m) que le camp I classique (amoncellement de tentes sur des terrasses aménagées dans le pierrier pentu au pied du glacier). Redescente au camp de base. Le temps est douteux, couvert, vent du sud, flocons au dessus de 5000 m.

                        J2 : Chargés du matériel pour le camp II, on remonte au camp I. Le temps est toujours douteux. Après une pause, le matériel est monté et déposé à 6000 m. au milieu des tentes du camp II classique, situé au dessus de la zone de séracs. Redescente au camp I où on se prépare pour y passer la nuit. Le temps s’aggrave, il neige.

                        J3 : Neige toute la nuit (pénible), lever sous la neige qui tombe dru, le vent est toujours au sud. Palabres. On décide de redescendre au camp de base.

                        J4 : Brouillard et bruine au camp de base. On se promène aux alentours. Mauvais temps la nuit.

                        J5 : Le camp est sous un manteau blanc, le vent est passé au nord. Vers 9h. des coins de ciel bleu. On part, légers, car le matériel est en haut. Midi, pause au camp I. Puis on continue. On récupère le matériel à 6000 m (C’est lourd et on est déjà bien fatigués) et on établit notre camp II à 6400 m (2000 m de montée aujourdhui !). Le temps s’est mis vraiment au beau et le vent est tombé.

                        J6 : Lever très tôt (avant 4h), Chausser les coques et faire fondre un peu de neige sont des épreuves. Départ à 4h. 30. 2h à la frontale (On est sur le même fuseau que Pékin et le jour se lève tard). Laurent et notre guide m’ont distancé et je monte seul car notre tactique, rapide, a laissé derrière nous, dans des camps inférieurs, toutes les autres expéditions. On est très légers car au vu des conditions exceptionnelles (Neige stable et aucune crevasse) on a ni crampons, ni piolet, ni corde, ni ARVA… 13h. j’arrive au sommet (Laurent a remonté avec moi les dernières pentes pour ne pas me laisser seul, merci à lui). La descente s’est effectuée dans des pentes magnifiques, dans une poudreuse de rêve, par une tempête de ciel bleu. On démonte le camp II et on le charge sur nos sacs. Au camp I on laisse le matériel de ski et, avec le matériel du camp II, on redescend au camp de base où on arrive en fin d’après midi.

                        J7 : Plutôt hébétés on récupère… 3150 m montée et descente en 2 jours ! Il parait que certains ont fait l’aller retour du camp de base dans une même journée !

                        J8 : Nos familles nous rejoignent au camp de base.

                        J9 : On remonte démonter le camp I, descente à skis jusqu’à 5100 m, le temps se gâte de nouveau.

                        J10 : On se promène en famille dans les alpages voisins, invités dans les yourtes.

                        J11 : On quitte le camp de base, tout blanc de neige au matin, et par la KKH on rejoint Kashgar.